L'Eldorado
Paul Brulat
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215 pages. Temps de lecture estimé 2h41min.
Paul Brulat (1866-1940) "Parti de Bordeaux pour Montevideo et Buenos-Ayres, dernière escale de son voyage, l’’Eldorado avait gagné la haute mer dans toute la gloire de sa toilette neuve et d’un resplendissant soleil d’août. C’était un bâtiment superbe, long de cent trente mètres, sur douze de large, jaugeant sept mille tonneaux, réalisant tout le confort et tout le luxe des nouveaux grands transports maritimes qui relient l’Europe et l’Amérique. Élancé et gracieux, malgré sa masse énorme, il glissait sans secousse sur l’Océan uni et placide comme un beau ciel renversé. On était en route depuis quelques heures. Au loin, les côtes de France s’effaçaient dans la pourpre du couchant, qui magnifiait les flots de teintes ardentes. L’Eldorado emportait cinq cents passagers, un ramassis de dix nations, représentant toutes les classes, toutes les professions, tous les milieux sociaux : une vraie ville flottante, avec son quartier riche et son quartier pauvre, ses boulevards, ses recoins, ses impasses, son faubourg misérable où s’entassait une cargaison grouillante d’émigrants, et ses étables, son abattoir, ses boucheries, toute une organisation compliquée, localisant la splendeur en première classe, l’aisance en seconde, et parquant la détresse en troisième, en une sorte de ghetto, à l’avant du navire. À l’arrière, sur le pont supérieur, réservé aux passagers de première, la cité commençait à s’animer de ces sentiments confus qui naissent des longs voyages, où l’ivresse du départ, l’imprévu d’une vie nouvelle, se mêlant à la mélancolie du passé qui s’éloigne, rapprochent les âmes, provoquent des effusions, rendent l’homme plus sociable. Des groupes, çà et là, se formaient ; des propos quelconques préludaient aux causeries intimes. Seuls, deux jeunes hommes, étrangers l’un à l’autre, semblaient se tenir volontairement à l’écart." Ils sont à bord de "l'Eldorado", un superbe transatlantique ; de différentes classes sociales, chacun avec ses espoirs, ses secrets, ses ambitions pour atteindre cet autre "Eldorado" : l'Argentine... Mais le temps est à l'orage... Nous sommes plongés au cœur d'une catastrophe maritime qui révèle la véritable nature de l'humanité face à l'abîme, et offre une critique cinglante d'une société aveuglée par la quête du bonheur matériel.