151 pages. Temps de lecture estimé 1h53min.À la mémoire de mes parents. 1 Vent d’est « Je suis né en 1928, de parents russes qui se sont tirés de la révolution bolchevique. Mes parents habitaient la Crimée. Ils se sont rencontrés sur les bords de la mer Rouge… ou Noire. Je sais plus, peu importe 1 . » Serge Gainsbourg D ans les années 1960, interrogé sur ce que représentait pour lui la Russie, Serge Gainsbourg répondit : « Ça représente simplement la perte de la notion de l’argent 2 . » Ce raccourci lapidaire, art dans lequel il était passé maître, n’est pas tout à fait exact. Son origine judéo-russe apparaît en filigrane tout au long de son œuvre, jusqu’au titre, on ne peut plus slave, de son unique roman, Evguénie Sokolov . Pour comprendre Gainsbourg, il faut donc remonter aux sources, plus exactement à Kharkov, dans la partie méridionale de ce qui est alors l’Empire russe, aujourd’hui l’Ukraine. Son père, Joseph Ginsburg 3 , y voit le jour dans une famille juive ashkénaze en 1896. Joseph a 5 ans lorsque ses parents déménagent à Marioupol, au bord de la mer d’Azov. Les Ginsburg y séjournent trois ans, jusqu’au début de la guerre russo-japonaise. Pour échapper à la mobilisation, Hérich, son père, se réfugie avec les siens en Biélorussie. Ici, la saga familiale s’assombrit. Non content de déroger à ses obligations militaires, Hérich abandonne femme et enfants, au nombre de cinq, et entame une nouvelle vie en Angleterre.