Le "secteur 545" désigne dans le pays de Caux les limites dans lesquelles Pierre Creton, peseur au contrôle laitier, exerce son activité auprès des éleveurs qui en font la demande.
Au fil de ces rendez-vous réguliers, des relations se nouent, et Pierre Creton se risque à poser certaines questions, particulièrement celle-ci: entre l'homme et l'animal, quelle différence?
2005 :
Festival international du FIDMarseille : Sélection officielle
Secteur 545 est sans doute un autoportrait, mais de tout le monde, vaches y compris. Les Cahiers du cinéma
On découvre plutôt un monde profondément humanisé dont le cinéaste, par la patience et l'attention qu'il lui porte, saisit l'éclat et la grandeur discrète. Libération
L'auteur de ce film insolite, Pierre Creton, cumule depuis une quinzaine d'années deux vocations : cinéaste et ouvrier agricole.
Il s'est illustré dans la première à travers de nombreux courts métrages (dont certains pourront être découverts en complément de programme) et dans la seconde au titre de peseur au contrôle laitier, activité menée depuis 2001 dans le secteur 545 du pays de Caux. Secteur 545, "le film", est son premier long métrage mis en oeuvre sous les auspices de cette double casquette, objet déconcertant, intrigant, attachant, sans doute inaccompli mais rempli de charme. Deux récits parallèles s'y entrecroisent, l'un dévolu au documentaire, l'autre à la fiction.
Dans le premier, Pierre Creton se met en scène dans son activité quotidienne. Il y adjoint aux scènes ordinaires et ritualisées de la vie agricole (traite des vaches, pesée), une petite enquête à sa façon et sans façon auprès des éleveurs avec lesquels il travaille, qui consiste pour l'essentiel à leur demander quelle différence il y a, selon eux, entre l'homme et l'animal. L'autre versant du film, plus scénarisé, transforme le contrôleur laitier qui emploie Pierre Creton et qui se nomme Jean-François en personnage de fiction relativement énigmatique, qui, lorsqu'il n'est pas occupé à lire Kierkegaard ou à éplucher des pommes de terre, pose régulièrement pour une jeune sculptrice rencontrée dans un café.
LA VOCATION SACRÉE DU TRAVAIL La manière dont ces deux parties, à priori très différentes, se nouent n'est pas évidente à établir pour le spectateur, qui devra sans doute beaucoup rabattre de ses attentes (exigence de sens, composition narrative, efficacité du récit, mise en valeur des personnages...) pour entrer dans le film et se rendre sensible à sa proposition. Consentir à ce petit sacrifice lui ouvrira toutefois les portes d'un autre monde, infiniment moins rapide et rentable que celui qui nous gouverne, où le commerce des hommes avec la réalité s'établit sur le maintien de certaines valeurs en voie de disparition : la proximité avec la nature, la vocation sacrée du travail, la qualité du regard posé sur les choses, l'intuition de la mesure de l'homme, la conscience de la beauté et de la cruauté du règne vivant.
Rien de pesant toutefois dans la manière dont cette philosophie fraie son chemin jusqu'à notre conscience. Elle tient tout entière dans la façon qu'a Pierre Creton de composer ses tableaux, avec cette poésie presque surréaliste qui élève pour la première fois les vaches à la dimension de bouleversantes héroïnes de cinéma (ce film serait à ce titre le contrechamp du Sang des bêtes de Georges Franju), suggérant au passage la solitude et la tendresse partagées des hommes et des animaux sur cette terre.Jacques Mandelbaum (Le Monde)
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